« Tant d’amour à donner »: Le biographique, l’œuvre, et la figure de l’auteur Harlequin

Publication year
2008
Journal
COnTEXTES
Volume
3
Comment

Pour bien cerner la problématique de la figure de l’écrivain populaire, j’ai choisi d’étudier un corpus particulier : le site internet des Éditions Harlequin, basé en France.

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Ce qui saute d’abord aux yeux reste la prédominance accordée, dans la biographie, à la description d’une vie amoureuse d’abord, d’où naîtra une vie familiale féconde et heureuse. En dépit des efforts faits par Harlequin pour modifier les représentations associées à son image en s’actualisant à des problématiques nouvelles, la biographie des auteurs reste ici en grande partie tributaire d’une conception traditionnelle de l’amour, qui ne trouvera sa pleine expression que dans un mariage de longue durée, solidifié par la présence d’enfants. Sur l’ensemble des 23 auteurs, 21 sont ici présentés comme mariés, en grande majorité depuis de nombreuses années, ce qui constitue 91% du corpus. S’ils sont parents, cette information accompagne inévitablement celle du statut marital, en découlant comme d’une suite logique : sur les 20 auteurs mariés, 13 sont en effet parents. Ici, la mention semble indépendante du sexe de l’auteur, si bien qu’on ne peut pas dire que le rôle parental soit exclusif à la femme (toutes proportions gardées, puisqu’un seul homme est présent dans le corpus).

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Si on ne sait, de l’œuf ou de la poule, qui incarne la cause et qui l’effet, on ne peut manquer de remarquer le lien entre la pléthore de personnages de cow-boys encore aujourd’hui très populaires dans le roman Harlequin et la provenance ou le lieu de résidence des auteurs.

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Une autre donnée récurrente et significative dans les biographies du corpus reste la formation. Pour 12 auteurs sur les 23 (52%), on spécifie en effet des études universitaires terminées. Peut-être s’agit-il là d’un passage obligé à toute notice biographique ? On pourrait également croire que cet aspect vise à redonner une certaine crédibilité à des auteurs souvent victimes de lourds préjugés et peu dotés en capital symbolique.

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Les analyses quantitatives et qualitatives mènent donc à la même conclusion : sur le site français des éditions Harlequin, le biographique est utilisé comme sceau conférant de l’autorité aux représentations ayant cours dans la fiction, en fonction des sous-genres pratiqués. Si l’on excepte de rares cas d’auteurs qu’on a voulu camper dans un genre bien précis (polar ou chick lit), la figure dominante est celle de l’auteure épanouie en amour, romantique, ayant pu bénéficier d’une relation stable dans un décor qui ressemble étrangement à celui d’un roman Harlequin.

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Les profits économiques, le succès, la richesse, largement étalés, sont ici excusés par la noblesse de l’activité : plus de la moitié de ces auteurs écrivent parce qu’ils répondent à un appel intérieur indépendant de leur volonté : ils ont, en somme, la vocation. Cet aspect n’a pas été abordé ici et aurait pu faire l’objet d’analyse : la vocation remplit un rôle, socialement.