Pas de romance sans finance: la construction du couple moderne dans les romans sentimentaux de l'Afrique de l'Ouest

Publication year
2002
Journal
Sites: The Journal of Twentieth-Century/Contemporary French Studies revue d'études français
Volume
6.1
Pages
67-78
Comment

après le lancement d’une demi-douzaine de titres dans la collection ‘‘Plaisir d’Afrique’’ dirigée par Calixthe Beyala, le roman sentimental populaire s’impose en force sur le marché africain à la fin des années quatre-vingt-dix avec le lancement de la collection ‘‘Adoras’’ en Côte d’Ivoire. C’est cette dernière qui fera l’objet de mon analyse. (67)

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Plus qu’un nouveau créneau commercial, c’est aussi un nouvel espace fantasmatique qu’ouvrent ces récits à l’eau de rose africains. ‘‘On nous parle de châteaux, de neige, d’attitudes qui ne collent pas avec notre réalité’’ poursuit-elle, or, ‘‘les gens doivent pouvoir se retrouver dans les histoires’’. Ainsi se re-pose, au niveau de la littérature populaire, la question de l’aliénation/identification, le syndrome du ‘‘nos ancêtres les Gaulois’’ dans l’imaginaire amoureux.
Dans la mesure où elle est régie par des codes génériques hérités de la tradition littéraire occidentale, tout en étant soumise à des impératifs d’africanisation, la narration qui va se déployer dans ces récits oscillera nécessairement entre le mimétisme et l’affirmation d’une différence, entre l’universel et le spécifique, entre la valorisation du ‘‘global’’ et l’inscription dans le ‘‘local’’. (68)

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Si l’univers romanesque est effectivement ‘‘africanisé’’ par la substitution de motifs relatifs concernant la nourriture, les vêtements ou la musique, on est frappé par le caractère indéniablement occidental du comportement amoureux. L’idéal du couple moderne africain des romans Adoras prend appui sur des valeurs résolument modernes, à savoir, en contrepoint à la conception africaine: l’autonomie, la monogamie, et, à un certain niveau, le partenariat dans le couple.(71-72)

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Si certains romans de la ‘‘haute littérature’’ ont parfois intégré avec plus ou moins de succès ces éléments du patrimoine érotique ouest-africain, rien de tel dans le roman Adoras. On assiste au contraire à un processus d’africanisation assez paradoxal par lequel, alors même la narration insiste sur le caractère déterminant de la scène d’amour, celle-ci, dans son style, reste absolument dépourvue du vocabulaire et des motifs africains qui prolifèrent par ailleurs. Aucune valorisation d’un érotisme ‘‘local’’ n’est en jeu. Littérairement parlant, les ancêtres érotiques du couple moderne africain demeurent les Gaulois. (74)